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Catholicisme: Le Pape réhabilite la doctrine du sacrifice de
la Messe « Le Pape réhabilite la doctrine du sacrifice de la Messe
: Un lourd pavé dans la Mare conciliaire » Parue ce Jeudi saint, l'encyclique L'Eucharistie vit de l'Eglise tranche avec le style, la ligne et les références magistérielles des treize précédentes. « J'espère, écrit Jean-Paul II, que la présente encyclique pourra contribuer efficacement à dissiper les ombres sur le plan doctrinal et les manières de faire inacceptables, afin que l'Eucharistie continue à resplendir [n° 10]. » Testament spirituel du pape en la vingt-cinquième année de son pontificat, elle intervient surtout comme une mise au point précise et didactique - un redressement doctrinal du sacrifice de la messe - face à l'état de crise. Visant les « ambiguïtés », les « réductions » et les « obscurités » qui affectent les nouvelles célébrations, le pape jette un lourd pavé dans la mare liturgique postconciliaire. Jean-Paul II déclare l'état de crise Depuis la promulgation de la constitution sur la liturgie en 1963, et celle de la messe de Paul VI en 1969, l'ensemble des documents romains se félicitaient unilatéralement des réformes et visaient à repenser la Tradition - renommée « vivante » - à la lumière de Vatican II. Jean-Paul II reconsidère ici les théories liturgiques de Vatican II à la lumière de la Tradition - en référence aux papes Pie XII et Léon XIII, au concile de Trente et même à saint Thomas d'Aquin. Il faut s'attendre, de la part des diverses communautés ecclésiales, à un silence poli mais aussi à quelques remous - voir La Croix du 18 avril : « Théologie du XIIIe siècle » ironise le liturgiste De Clerck ; « On peut parler ici de crispation », ajoute le bon père, refusant l'enseignement du pape dès lors qu'il s'inscrit dans la Tradition. Qui est grossier ? Qui est schismatique ? Qui insulte le pape ? 1-« L'Eglise vit de l'Eucharistie » Par son leit motiv de la « participation active » des fidèles, le concile faisait de l'assemblée le célébrant principal (S. C. n° 6). L'Eucharistie était, sans distinction des rôles, « uvre du Christ et de l'Église », puis simplement « une action de l'Église » (S. C. n° 7). Bien sûr restait « le Christ [ ] toujours là présent auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques » (S. C. n° 7), de la même façon qu'il l'assiste en tout, jusqu'à la fin des temps ; mais ce n'était plus lui qui offrait son sacrifice pour l'Église, en la personne du prêtre distingué de l'assemblée : c'était l'Église assemblée qui célébrait le mémorial, sous la présidence du prêtre. Jean-Paul II rétablit la messe sur Jésus-Christ, prêtre et victime offrant le sacrifice de la Croix : le « grand prêtre de l'Alliance éternelle [ ] est l'auteur et le sujet principal de son propre sacrifice [n° 29]. » Le pape abonde sur le ministère des prêtres, qui seuls ont pouvoir d'agir en la personne du Christ : « L'Eucharistie qu'ils célèbrent [ ] dépasse radicalement le pouvoir de l'assemblée et [ ] demeure en toute hypothèse irremplaçable pour relier validement la consécration eucharistique au sacrifice de la Croix [n° 29]. » Le concile n'avait pas su trouver l'issue de la problématique protestante, selon laquelle la liturgie, action de l'Église assemblée, serait efficace en vertu de la promesse du Christ et de la participation en mémoire de lui, mais ne serait plus l'uvre propre du Christ - dont les faits et gestes appartiendraient seulement au passé - opérant par les mains du prêtre. Le pape rectifie : instituée par le Christ au soir du Jeudi saint, l'Eucharistie « ne reste pas enfermée dans le passé, puisque tout ce que le Christ est et tout ce qu'il a fait et souffert pour tous les hommes, participe de l'éternité divine et surplombe ainsi tous les temps » [n° 11]. « Dans ce don, Jésus-Christ confiait à l'Église l'actualisation permanente du mystère pascal » [n° 6]. La messe n'est pas le mémorial de la Cène mais de la Croix, que la Cène anticipait, et de tout le Triduum pascal [n° 3 ; 12]. « L'Église vit continuellement de ce sacrifice rédempteur [ ] non seulement par un souvenir plein de foi, mais par un contact actuel, car ce sacrifice se rend présent, se perpétuant sacramentellement [n° 12] » 2- « L'Eucharistie est un sacrifice au sens propre [n° 13]
» Le pape redresse Vatican II, citant en note le concile de Trente ! « Jésus ne se contenta pas de dire Ceci est mon corps, ceci est mon sang, mais il ajouta livré pour vous et répandu pour la multitude. Il n'affirma pas seulement que ce qu'il donnait à manger et à boire était son corps et son sang, mais il en exprima aussi la valeur sacrificielle [n° 12]. » L'Eucharistie « élève [ ] jusqu'à un niveau bien supérieur à celui d'une simple expérience de convivialité humaine [n° 23]. » « La messe rend présent le sacrifice de la Croix, elle ne s'y ajoute pas et ne le multiplie pas [n° 13]. » Sur ce point essentiel du sacrifice eucharistique, discriminant pour la foi catholique, Vatican II entretenait l'équivoque, pieuse mais passablement floue, d'un sacrifice intérieur, offert sur l'autel de la « participation active » des consciences. La messe était le « sacrifice spirituel » référé à « l'offrande éternelle de nous-mêmes [S. C. n° 12] », que symbolise celle du Christ Jean-Paul II dissipe l'équivoque : « L'Eucharistie est un sacrifice au sens propre et non seulement au sens générique, comme s'il s'agissait d'une simple offrande que le Christ fait de lui-même en nourriture spirituelle pour les fidèles [n° 13] », ou comme si l'offrande de l'assemblée autour de la table du partage obtenait seulement l'application des mérites de la Croix - vrai de toute prière faite au nom du Christ, mais insuffisant à définir la messe. L'Eucharistie, précise encore Jean-paul II, « c'est le sacrifice de la croix qui se perpétue au long des siècles [n° 11]. » « Telle est la foi dont les générations chrétiennes ont vécu au long des siècles [n° 11]. » « Cette foi demeure inchangée et il est essentiel pour l'église qu'elle le demeure [n° 27]. » 3- La foi en la présence réelle vaut mieux que l'cuménisme Le pape insiste sur la grâce propre d'union à Dieu, de communion à la vie trinitaire, qui est donnée dans l'Eucharistie. Il relève en outre la condition requise, pour ne pas faire mentir le signe sacré : se tenir « en état de grâce » et s'être pour cela confessé. Il souligne également la nécessité d'être en communion visible avec l'Église pour recevoir ce sacrement : communion dans la foi, dans l'apostolicité du sacerdoce et la reconnaissance de l'autorité du pape. Quant aux célébrations cuméniques ou interconfessionnelles, Jean-Paul II y met un frein : ordre de « ne pas entretenir une ambiguïté sur la nature de l'Eucharistie. Cela finirait par retarder la marche vers la pleine unité visible [n° 30] » ! Interdiction par conséquent de concélébrer avec des non catholiques et de « participer à la communion distribuée dans leurs célébrations [n° 30]. » 4- « Sacrifice spirituel » et « sacerdoce commun »
des fidèles : mise au point La théorie de l'assemblée célébrante, source et signe de l'Église, avait mené la pastorale conciliaire par les larges chemins du « sacerdoce commun des fidèles », mal distingué du sacerdoce ministériel des prêtres. Lumen Gentium, n° 10 : « Les fidèles, incorporés à l'Église par le baptême, sont rendus aptes, grâce à leur caractère, à célébrer le culte de la religion chrétienne. » Les évêques français en appellent aujourd'hui aux « vocations laïques »! Insistant en revanche sur l'urgence de « la pastorale en faveur des vocations sacerdotales », Jean-Paul II corrige Lumen Gentium : « C'est le prêtre ordonné qui célèbre le sacrifice eucharistique en la personne du Christ et l'offre à Dieu au nom de tout le peuple [n° 28]. » Il faut « que ce soit le prêtre seul qui récite la prière eucharistique, pendant que le peuple s'y associe dans la foi et le silence [ibid.]. » Et le pape de comparer la messe aux ADAP, « célébrations sacramentellement inachevées » qui ne peuvent prétendre se substituer au sacrifice offert par le prêtre [n° 29 ; 32]. L'animation, l'échange, le dialogue ne définissent pas le sacerdoce. Le prêtre est ordonné premièrement pour la messe : « l'Eucharistie est la raison d'être principale et centrale du sacrement du sacerdoce [n° 31]. » 5- L'Église, signe et sacrement de l'unité du genre humain Au dernier chapitre, avec des accents bérulliens, le pape livre une méditation personnelle, rapprochant spirituellement la parole efficace du prêtre qui consacre le Corps et le Sang du Christ, au fiat de la Vierge Marie - admirable analogie chère à Bérulle, dont les limites demandent à être précisées. Le pape, toutefois, se distancie beaucoup moins de la théologie conciliaire concernant l'Église et la rédemption du genre humain. De ce point de vue, l'encyclique appelle d'autres mises au point. Elle présente justement l'Eucharistie comme sacrement, signe efficace qui actualise le sacrifice du Christ et unifie l'Eglise dans la charité entre les fidèles ; mais par ailleurs c'est l'Église elle-même qui est dite « sacrement de l'unité [n° 41] » « pour l'humanité [n° 22] », ou encore « signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain [n° 24]. » Sont juxtaposées ici deux formes d'unité radicalement différentes : l'une personnelle, verticale et surnaturelle, produite par l'Eucharistie ; l'autre globale, horizontale et naturelle, dont l'Église serait le « sacrement ». Par suite, dit le pape « l'Eucharistie est toujours célébrée, en un sens [teilhardien] sur l'autel du monde [n° 8] » L'équivoque demeure et peut donner à croire en un sacrifice cosmique dont l'Église assemblée serait le « signe sacré » et qui ferait d'elle un moyen (automatique ?) de salut et d'union humaine. Comme par une efficacité naturelle, « l'Eucharistie crée proprement la communauté entre les hommes [n° 24]. » Or, beaucoup plus qu'un moyen ou qu'un « instrument », l'Église est traditionnellement l'épouse unique, l'Arche du salut, ou le Royaume déjà commencé parmi nous. Le salut conciliaire déborde au contraire l'Eglise et s'opère de façon globale ; la rédemption du monde advient comme une marche inexorable de l'histoire. À aucun moment n'apparaît l'enjeu d'une responsabilité personnelle devant le sacrifice du Christ - ce qui semble pour le moins troublant. Conclusion - Le pape et le mystère pascal Face au désert liturgique postconciliaire, cette lettre surprend par le souffle, la fermeté et la clarté de son propos traditionnel sur deux points majeurs : le sacrifice de la messe et le sacerdoce des prêtres - enfin distingué nettement de celui des laïcs. Certes, les brumes conciliaires recouvrent encore les parties consacrées à l'Église « sacrement », au sacrifice « offert sur l'autel du monde » ou au salut intégral de l'Histoire et du genre humain. Cependant, cette encyclique L'Église vit de l'Eucharistie prend objectivement en compte une part importante des critiques appelées à tort « traditionalistes » : elles étaient tout simplement catholiques, comme cette encyclique le manifeste enfin. Le pape promet « un document plus spécifique [n° 52] » et « juridique » sur l'ordo missæ. Il ne parle pas encore de la messe de saint Pie V, alors qu'il cite plusieurs fois des rites plus anciens. Cependant, le 24 mai prochain, le cardinal Castrillon célèbrera solennellement ce rite à la basilique Ste-Marie-Majeure L'embellie ne peut venir que de l'autorité suprême. Devant tant de signes, il reste à prier pour que les « normes liturgiques » qu'annonce le Saint Père, par le souffle de l'Esprit Saint, libèrent enfin sans conditions le rite traditionnel de la messe, exempt quant à lui de toute ambiguïté. (BTAG) ajouté le 8-5-2003 |