Pénétration de l'occulte: Le lancement d'Harry Potter, événement national aux Etats-Unis

Des mesures de sécurité de niveau militaire, des enfants inconditionnels, des groupes religieux prêts à l'autodafé : le lancement aux Etats-Unis du cinquième volet des aventures du sorcier Harry Potter de la Britannique J. K. Rowling prend la dimension d'un événement national.

Dans tous le pays, les librairies organisent des opérations spéciales dans la nuit de vendredi à samedi, pour accueillir la mise en vente à partir de minuit d'"Harry Potter et l'Ordre du Phénix".

En ce début de vacances d'été, on verra se précipiter des dizaines de milliers d'enfants portant lunettes et cape, le front marqué d'une fausse cicatrice en forme d'éclair pour mieux s'identifier à l'adolescent aux pouvoirs magiques.

L'éditeur Scholastic a prévu un premier tirage sans précédent de 8,5 millions d'exemplaires, déjà considéré comme insuffisant par les analystes. Les aventures créées par J. K. Rowling sont en effet particulièrement populaires aux Etats-Unis, où 80 millions de livres de Harry Potter ont été vendus à ce jour, sur un total mondial de 192 millions.

Le quatrième épisode de la saga, "Harry Potter et la Coupe de feu", s'était littéralement arraché des présentoirs américains : trois millions d'exemplaires avaient été écoulés en 48 heures. Le livre était resté si longtemps en tête des meilleures ventes recensées par le New York Times que le quotidien avait décidé de créer une section spécifique pour les livres d'enfants.

Pour être à la hauteur de l'événement, la plus grande chaîne de librairies du pays, Barnes and Noble, a recruté des gardes armés afin de surveiller son centre de distribution de la côte est, dans le New Jersey, où 23 camions chargés de 1.750 tonnes de l'histoire de Harry Potter sont prêts à prendre la route.

Le plus grande commerçant sur internet, Amazon.com, a pris des mesures similaires, et les libraires indépendants ont prévu du personnel supplémentaire pour mieux gérer la cohue attendue.

Il s'agit d'éviter les ratés de cette gigantesque opération marketing. A New York, un quotidien a cité des extraits du livre acheté, paraît-il, chez un libraire de Brooklyn, et au Canada, un supermarché de Montréal aurait mis des exemplaires en vente par erreur dès la semaine dernière.

La sortie du cinquième volume des aventures de Harry Potter est attendue comme une bénédiction par les milieux américains de l'édition, qui ont subi des ventes plutôt maigres depuis trois ans - en gros, depuis la sortie du 4e volume.

Mais le jeune sorcier compte aussi de nombreux ennemis aux Etats-Unis, ce qui fait que ses aventures sont parmi les plus controversées chez les habitués des bibliothèques, selon l'Association américaine des bibliothèques.

Des groupes chrétiens conservateurs mènent la croisade contre Harry Potter, lui reprochant de faire la promotion de la sorcellerie, du satanisme et de l'occultisme.

Le pasteur Jack Brock, qui prêche dans une église de la Communauté du Christ à Alamogordo (Nouveau-Mexique, sud-ouest), avait fait sensation il y a quelques années en organisant un "saint bûcher" alimenté notamment par les livres signés J. K. Rowling.

Dans l'hebdomadaire Time de cette semaine, M. Brock campe sur ses positions : "d'après ce que je comprends, le prochain livre va aller de plus en plus loin dans la sorcellerie. Je ne comprends pas qu'on puisse trouver cela sain", dit-il, avant d'ajouter : "Dieu a dit dans le 'Deutéronome' que la sorcellerie était une abomination. Tout ce que Dieu hait, je le hais aussi".

D'autres responsables religieux sont moins catégoriques, mais tous s'accordent au moins sur un point : la "Pottermania" est une aubaine pour les dieux du commerce.

Le marché américain est inondé de produits dérivés à l'effigie du jeune sorcier ou inspirés de son environnement. Le plus en vogue : un kit de maquillage pour reproduire la cicatrice en forme d'éclair, vendu 7,5 dollars pièce, le prix d'un cosmétique de marque.

(AFP/ CPDH) ajouté le 19-6-2003