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Nouvel Ordre Mondial: Le pourquoi et le comment de la Constitution européenne

NDLR: Lire le texte officiel de la Constitution

Comment a-t-on décidé de créer la Convention européenne ? Qui en faisait partie et qu’y a-t-on fait pendant quinze mois ? Questions-réponses pour comprendre les enjeux de cette entreprise constitutionnelle sans précédent.

Conformément au mandat qu’ils ont reçu à Nice, en décembre 2000, et à Laeken, en décembre 2001, les dirigeants européens vont devoir examiner le 20 juin, au sommet de Thessalonique (en Grèce), l’avant-projet de texte rédigé par la Convention européenne. Ce texte, à mi-chemin entre traité et Constitution, marque la fin de la première phase d’un projet constituant qui pourrait déboucher vers 2010 sur une véritable Constitution de la fédération européenne.

1. Pourquoi une Constitution ?
Pour que l’Union européenne (UE), actuellement composée de 15 membres, fonctionne correctement après l’élargissement à 27 membres ou plus d’ici à 2010 ; pour consolider la place de l’UE en tant que superpuissance du XXIe siècle ; pour simplifier et fondre en un seul texte l’ensemble des traités adoptés depuis la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), en 1951 ; pour rapprocher l’UE de ses citoyens et pour doter le géant né du marché unique et de l’union monétaire d’un cadre politique et juridique en rapport avec son poids économique.

2. Qui a participé à la rédaction de ce texte ?
Il y a deux ans et demi, le sommet de Nice avait lancé un large débat entre tous les acteurs possibles à propos de l’avenir de l’Europe : outre les gouvernements et les Parlements étaient invités à s’exprimer les organisations économiques et syndicales, les universitaires, les médias et les associations. Le 28 février 2002, la réflexion informelle a laissé place à un débat structuré au sein d’une convention composée de 105 représentants des chefs d’Etat ou de gouvernement des pays membres (15) et des pays candidats (13), des Parlements nationaux des pays membres (30) et des pays candidats (26), et enfin de représentants de la Commission européenne. A ces 102 membres s’ajoutaient un président, Valéry Giscard d’Estaing (France), et deux vice-présidents : Giuliano Amato (Italie) et Jean-Luc Dehaene (Belgique).

3. Quel était le programme des travaux ?
Durant les quinze derniers mois, les membres de la Convention se sont réunis chaque semaine au siège du Parlement européen, à Bruxelles, pour définir les valeurs et objectifs de l’UE, inscrits dans l’avant-projet d’environ 330 pages publié fin mai ; ils ont attribué à l’Union européenne une personnalité juridique unique pour qu’une fois le texte adopté elle puisse assumer tous les droits et obligations des Communautés ; ils ont réparti les compétences entre l’UE et les Etats membres ; ils ont intégré au texte, avec valeur constitutionnelle, la Charte des droits fondamentaux ; ils ont fondu en un seul tous les traités entrés en vigueur - traité de Rome (1957), Acte unique (1986), traité de l’Union (plus connu sous le nom de traité de Maastricht, la ville où il a été approuvé en 1992), traité d’Amsterdam (1997) et traité de Nice (2000) ; ils ont réduit de 12 à 5 les instruments d’intervention de l’UE ; ils ont intégré les Parlements nationaux dans le processus législatif communautaire, par l’intermédiaire d’un projet de protocole, et ont réuni toutes les institutions communautaires dans un système unique.

4. Quels sont les changements apportés ?
Près des trois quarts de l’actuelle législation sont conservés. Seul le quart restant est modifié ou ajouté, mais ces 25 % comprennent des décisions fondamentales : tout ce qui concerne la création d’un “espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures” ; la nomination à la majorité qualifiée (l’équivalent des trois cinquièmes de la population de l’UE) d’un président du Conseil européen pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une seule fois ; l’élection par le Conseil et le président de la Commission d’un ministre des Affaires étrangères de l’UE chargé de la politique extérieure et de sécurité, avec rang de vice-président de la Commission ; et enfin l’extension du vote à la majorité pour des questions aussi importantes que la politique agricole, les fonds régionaux, le droit d’asile ou la réforme des institutions.

5. Est-ce une étape révolutionnaire ?
Les pionniers de la construction européenne concevaient celle-ci comme une série de “réalisations concrètes” vers un destin inconnu. On peut considérer comme des avancées révolutionnaires qui ont marqué l’histoire de l’Europe : l’union douanière, la politique agricole commune, le marché intérieur et la monnaie unique. Le principal changement qu’apporte ce traité constitutionnel réside sans doute dans la cession de compétences des Etats à l’UE pour lui permettre de lutter contre la délinquance transfrontalière, la corruption, la fraude, le terrorisme et le trafic d’êtres humains. A cette fin, il faudra harmoniser les codes pénaux des pays membres et doter le futur procureur européen des moyens policiers et judiciaires indispensables.

6. En quoi cette Constitution diffère-t-elle de celle des Etats-Unis ?
L’actuelle Convention européenne évoque d’assez loin celle qui a élaboré à Philadelphie la Constitution des Etats-Unis en 1787, onze ans après leur indépendance. La Constitution américaine a été rédigée pour 13 territoires coloniaux, réunissant seulement 3,5 millions d’habitants - moins de 1 % de la population que comptera bientôt l’UE, soit près de 450 millions d’Européens. Elle avait pour objectif d’affirmer leur rupture avec l’Empire britannique, dont ils venaient de se séparer. La Convention européenne doit quant à elle élaborer un texte pour au moins 25 Etats indépendants, dont beaucoup ont vécu pendant un demi-siècle sous la tutelle de l’empire soviétique.


(Courrier International/ El Mundo) ajouté le 19-6-2003