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Europe 

Le projet de préambule évoque l'héritage religieux de l'UE
LE MONDE | 29.05.03 | 13h09

Fruit de vifs débats, le texte du présidium ne parle pas de Dieu mais d'"élan spirituel".

Dans un bref texte assez grandiloquent, qu'il propose comme préambule à la future Constitution européenne, le présidium de la Convention tente à nouveau de concilier les points de vue de ceux qui insistent sur la laïcité de la construction européenne et de ceux qui souhaitent, au contraire, l'inscrire dans une lignée religieuse chrétienne.

Le texte, rendu public mercredi 28 mai, préconise, dans une série d'attendus, que la Constitution s'inspire "des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe qui, nourris d'abord par les civilisations hellénique et romaine, marqués par l'élan spirituel qui l'a parcourue et est toujours présent dans son patrimoine, puis par les courants philosophiques des lumières, ont ancré dans la vie de la société sa perception du rôle central de la personne humaine et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que du respect du droit". La mention de l'héritage religieux avait déjà suscité un bref mais vif conflit, lors de la rédaction de la Charte des droits fondamentaux de l'Union (adoptée en décembre 2000), entre les autorités françaises et les chrétiens-démocrates allemands. On avait alors tranché par une référence au "patrimoine spirituel et moral" de l'Union dans le préambule de la Charte.

Les partisans d'une référence religieuse n'ont pas désarmé. Ils ont reçu le renfort de plusieurs des futurs pays-membres de l'Union à l'est du continent, où la religion a joué un rôle important dans la résistance au communisme, en particulier la Pologne catholique et la Roumanie orthodoxe.

Le pape polonais Jean Paul II a joué de toute l'influence dont il dispose pour les appuyer. Dans un texte cosigné notamment par plusieurs conventionnels de l'Est, d'Allemagne et d'Irlande, ils préconisaient l'introduction dans la Constitution elle-même d'un article s'inspirant de la loi fondamentale polonaise, qui stipule que "les valeurs de l'Union incluent les valeurs de ceux qui croient en Dieu comme la source de vérité, de justice, de bien et de beauté ainsi que celles de ceux qui ne partagent pas une telle croyance mais respectent les valeurs universelles provenant d'autres sources".

CONTINENT ÉLU

Le texte du présidium leur donne en partie raison. Sans nommer Dieu, il privilégie trois sources d'inspiration originelle : la Grèce antique, Rome et "l'élan spirituel" de la chrétienté.

Ce texte heurte ceux qui estiment que la construction européenne doit reposer seulement sur les droits de l'homme et les valeurs universelles d'une démocratie ouverte à tous ceux qui veulent y participer, quel que soit leur horizon philosophique, religieux ou ethnique.

Présentant l'Europe comme "un espace privilégié de l'espérance humaine", le document affirme également l'idée d'un continent élu, porté au progrès, qui doit "œuvrer pour la paix, la justice et la solidarité dans le monde".

Il n'est fait qu'une timide référence à l'effroyable histoire de l'Europe au XXe siècle et aucune à l'extermination des juifs et des Tziganes. "les peuples d'Europe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions, et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun", souligne le texte.

Henri de Bresson


ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 30.05.03