Watchman.jpg (26400 bytes)

UE : et Dieu dans la Constitution ?
L'«héritage religieux» de l'Europe y est mentionné.

Par Jean QUATREMER - jeudi 29 mai 2003

 

 

Bruxelles (UE) de notre correspondant

ieu va-t-il y retrouver les siens ? Si son nom n'y est pas mentionné en toutes lettres, le préambule de la future Constitution européenne, dévoilé hier, rend au moins hommage à l'«héritage religieux» de l'Europe. Une victoire pour les Eglises, en particulier catholique et orthodoxe, qui réclamaient une telle mention. Elles n'avaient pu l'obtenir dans la Charte des droits fondamentaux, adoptée en décembre 2000. Reste à savoir si l'assemblée plénière de la Convention européenne, l'enceinte chargée de rédiger la loi fondamentale de l'Union élargie, acceptera d'entériner la manoeuvre.

Portée juridique. Valéry Giscard d'Estaing, le président de la Convention, soucieux de ne pas heurter les tenants de la laïcité, s'est opposé à ce que la religion figure dans le corps même du texte afin de ne pas lui donner une portée juridique trop grande : par exemple, la référence aux «valeurs religieuses» ne risquerait-elle pas, un jour, de justifier un recours juridictionnel pour obtenir l'interdiction de l'avortement en Europe ? D'où le souci de noyer la référence religieuse dans le second paragraphe du préambule : les constituants s'y affirment «inspirés» par «les héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe qui, nourris d'abord par les civilisations hellénique et romaine, marqués par l'élan spirituel qui l'a parcourue et est toujours présent dans son patrimoine, puis par les courants philosophiques des lumières, ont ancré dans la vie de la société sa perception du rôle central de la personne humaine et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que du respect du droit». Ouf... Un «minestrone», selon l'expression d'une journaliste italienne, mais qui a le mérite, sans nier le fait religieux, de l'inscrire dans une perspective historique que Giscard espère acceptable par tous. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le préambule s'ouvre sur une très belle citation de Thucydide : «Notre Constitution est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d'une minorité mais du peuple tout entier.»

Consolation. Ce préambule réintroduit aussi l'idée que le projet européen vise à créer une union «sans cesse plus étroite». «Les peuples de l'Europe, affirme le quatrième paragraphe, tout en restant fiers de leur identité et de leur histoire nationale, sont résolus à dépasser leurs anciennes divisions, et, unis d'une manière sans cesse plus étroite, à forger leur destin commun.» VGE espère ainsi consoler ceux qui regrettent la disparition du mot «fédéral» (Libération du 27 mai).

Les 105 conventionnels ont désormais entre les mains un projet de Constitution complet. Vont-ils être capables de dépasser la défense de leurs intérêts nationaux, ce dont n'ont pas été capables leurs gouvernements lors de la négociation du traité de Nice, en décembre 2000 ? Réponse d'ici le 20 juin prochain, date de la remise de la copie aux chefs d'Etat et de gouvernement.


SOURCES : http://www.liberation.fr/page.php?Article=114142