Pourquoi
nous ne pouvons nous joindre au mouvement cuménique
Cet
article a été publié le 18 mars 1965 dans la Review
and Herald
Il ne fait aucun
doute que le mouvement oecuménique a pris ces derniers temps
une ampleur considérable, et que son expansion est significative.
Un point reste pourtant à éclaircir, malgré tout
ce qui a déjà été dit et écrit à
son propos : Quelle doit être la position des adventistes à
l'égard de cette initiative ?
Précisons tout d'abord que nous aurions tort de nous lancer dans
une campagne d'accusations et de critiques dirigées contre les
actuels promoteurs de l'cuménisme ! Dieu juge les hommes
sur leurs motifs profonds et sur les dispositions intimes de leur cur.
Or, nous ne pouvons évaluer ni les premiers, ni les secondes,
il est évident, par exemple, que Saul de Tarse, alors qu'il persécutait
les chrétiens, était un homme sincère : sa sincérité
constituait même son principal atout sur le plan spirituel. Après
la vision éblouissante du chemin de Damas et la période
d'instruction chrétienne à laquelle il dut se soumettre,
cette sincérité demeura sa caractéristique essentielle
: c'est pourquoi il se montra prêt, dès lors; à
risquer sa vie pour faire progresser le christianisme.
J'ai eu l'occasion d'entrer personnellement en contact avec plusieurs
dirigeants du mouvement cuménique, tant en Amérique
qu'à l'étranger. A de rares exceptions près, ils
me sont apparus comme des individus d'une envergure exceptionnelle qui
croient sincèrement accomplir la volonté de Dieu en uvrant
au développement de l'oecuménisme. Aussi, gardons-nous
de les condamner: c'est à Dieu qu'il appartient de prononcer
des jugements. " Dieu, en effet, n'a pas envoyé son Fils
dans le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que le monde soit
sauvé par lui. " (Jean 3.17.) Lorsque nous nous posons en
juges, nous nous attribuons des responsabilités qui dépassent
de beaucoup nos compétences et, qui plus est, nous ne contribuons
ainsi au salut de personne ! Laissons donc à ces hommes le bénéfice
du doute : il est certain qu'ils s'efforcent de servir le Seigneur au
mieux de la lumière qu'ils ont reçues.
Mais si nous devons nous abstenir de les juger, par contre, nous ne
pouvons pas faire cause commune avec eux. C'est là un fait d'une
transparente évidence pour tout adventiste un tant soit peu conscient
du véritable esprit et de la nature de l'organisation religieuse
à laquelle il appartient. Le mouvement cuménique,
dans son essence, peut se définir en un mot : " Entrez !
" Le mouvement adventiste en revanche, est centré sur cet
ordre divin également lapidaire : " Sortez ! " Ce n'est
que dans la mesure où nous prêchons à l'humanité
l'obéissance à ce commandement que notre dénomination
à sa raison d'être. Puissions-nous ne jamais oublier cette
vérité fondamentale ! Sinon, notre prédication
évangélique n'aurait pour autres résultats que
de produire des méthodistes observateurs du sabbat, des presbytériens
croyant à la doctrine du Sanctuaire, des baptistes gagnés
à nos vues touchant l'état des morts, etc. Or, le peuple
adventiste est un peuple uni - parce que tous ses membres sont ".sortis
" ; sortis du monde, sortis d'autres Eglises ou restés par
principe à l'écart de ces dernières. Et que pourraient-ils
faire d'autre ? Dans le domaine politique, ce sont leurs divergences
d'opinion qui séparent les hommes affiliés aux partis
existants ; dans le domaine religieux, ce sont leurs points de vue doctrinaux
qui isolent certains croyants, qui les tiennent à l'écart
de tous les autres.
Atténuer
leurs différences doctrinales
Une des règles
essentielles auxquelles se confirme le mouvement cuménique
est celle d'atténuer les divergences doctrinales irréductibles
qui se manifestent parmi ses adhérents. Sans cela, en effet,
comment une telle initiative ferait-elle l'unité autour d'elle,
ou réaliserait-elle le moindre progrès ? L'Eglise adventiste
par contre, repose sur la conviction que ses doctrines distinctives
doivent être proclamées avec vigueur. "N'est-ce pas
d'ailleurs cette attitude qui explique en grande partie son développement
? Sans doute est-il exact que nous avons en commun avec tous les chrétiens
du monde l'attachement à certains dogmes fondamentaux. Gardons-nous,
cependant, d'oublier que ce ne sont pas nos points communs en matière
théologique avec les autres croyants, mais que ce sont nos points
litigieux qui justifient notre existence en tant que " peuple à
part ". Et ce ne sera qu'aussi longtemps que nous maintiendrons
ces divergences clairement formulées que l'adventisme gardera
des contours nets au sein d'un monde de plus en plus chaotique. Il n'y
a rien qui nous semble aussi impossible et aussi odieux que d'imaginer
l'un des nôtres passant graduellement de la foi adventiste à
quelque autre credo.
A quiconque, parmi nous, proposerait que nous nous joignions au mouvement
cuménique je demanderais : " Comment interprétez-vous
la proclamation du deuxième ange d'Apocalypse 14 :8, située
au centre même du triple message - lequel constitue la principale
justification de l'existence de notre dénomination ? " S'il
y a jamais eu un peuple destiné à se tenir à l'écart,
à rester seul, c'est bien celui qui croit au message du deuxième
ange, dont le contenu doit être compris et interprété
à la lumière du contexte élargi d'Apocalypse 18
: 4.
Nous ne sommes
pas une " cinquième colonne "
Ceux qui disent
: " Rallions-nous au mouvement cuménique et marchons
avec lui jusqu'à ce que les circonstances nous contraignent de
le quitter " comprennent-ils bien qu'ils nous engagent ainsi à
poursuivre nos activités sous l'égide d'une organisation
qui est l'antithèse même de la nôtre ? Nous s'avons
tous qu'un jour viendra où les adventistes seront traînés
en justice à cause de leurs convictions religieuses particulières
: ne nous comportons pas de manière à permettre à
qui que ce soit d'ajouter à ces accusations imméritées
celle de fausseté. Dieu nous préserve d'une telle honte
!
Il se peut que l'une ou l'autre des personnalités rattachées
aux cercles cuméniques nous dise : " Joignez-vous
à nous : cela ne vous empêchera nullement d'observer votre
sabbat ! " C'est d'ailleurs précisément ce qu'on
m'a proposé lorsque j'assistais aux principales séances
de l'organisation à titre d'observateur. Et il ne fait aucun
doute que si nous devenions " cuméniques ", nous
pourrions continuer de garder le sabbat pendant un temps dont il est
difficile de préciser la durée. Toutefois, rappelons-nous
qu'il ne suffit pas d'observer le sabbat : il faut encore le prêcher,
chercher à persuader les gens de la nécessité de
l'adopter comme jour de repos et de culte hebdomadaires. C'est pourquoi,
s'il allait envisager la présence d'une cinquième colonne
au sein de l'cuménisme, on pourrait s'attendre à
ce qu'elle soit constituée par les adventistes - en supposant,
bien entendu qu'ils aient renié leurs objectifs primitifs ! Or,
bien que Dieu nous ait placés dans le monde pour y a accomplir
certains actes téméraires, la tromperie. l'espionnage
n'en font nullement partie. Mais pourquoi insister davantage ? Il est
tout simplement impossible à l'Eglise adventiste de se joindre
à l'organisation oecuménique. Quiconque parmi nous, ne
considère pas notre isolement, notre séparation comme
une nécessité et un devoir, ignore ce qu'est l'âme
véritable de notre message, le génie propre de notre mouvement.
Un défi
pour nous
En définitive,
nous pouvons dire que l'cuménisme actuel constitue pour
nous un défi : il nous incite à considérer à
nouveau - pour les aiguiser et Les consolider - nos arguments à
l'appui d'une conception de l'adventisme en tant que force religieuse
distincte, isolée du monde, mais à l'uvre au milieu
de lui. De nos jours, plus que jamais auparavant, il apparaît
que nous devons être pleinement préparés à
" rendre compte de l'espérance qui est en nous ". Si
nous sommes incapables de présenter de bonnes raisons pour justifier
notre attitude " séparatiste ", nous le serons d'autant
plus lorsqu'il s'agira d'expliquer pourquoi nous n'embrassons pas le
point de vue et les activités du mouvement oecuménique
- car, tôt ou tard, dans ce cas, les ecclésiastiques rattachés
à ce mouvement exigeront de nous une telle explication.
L'alternative est la suivante : ou Dieu, dans les derniers jours, a
mis à part et distingué un peuple spécial, nanti
d'un message particulier, ou il n'a rien fait de semblable. La réponse
que nous apporterons à la question posée déterminera
tout notre programme religieux à venir ; on peut même dire
qu'elle décidera du destin ultérieur de notre mouvement.
Si nous n'étions pas convaincus que Dieu s'est choisi un peuple.
un " reste " (Apoc. 12 : 17), qui, en tant que mouvement organisé,
est seul à lui appartenir, pourquoi nous élèverions-nous
contre un appel à l'oecuménisme, à l'admission
au sein d'une seule grande Eglise ?
Enfin, notons que l'initiative oecuménique devrait nous rendre
plus conscients que jamais de la signification de l'époque où
nous vivons. La fin est proche. Relisons les derniers chapitres de La
tragédie des siècles et imprégnons-nous une fois
de plus de cette conviction ! Ce sera la réunion des grands corps
religieux du monde qui rendra possible l'ultime conflit - et, dans ce
conflit, nous ne pourrons sous aucun prétexte être "
oecuméniques " !
Review and
Herald du 18 mars 1965, p. 14-15.