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LES ETATS-UNIS ET LA PROPHETIE

Jean ZURCHER

Après avoir parlé du protestantisme, du catholicisme et de l'œcuménisme, le moment est venu d'aborder le point capital vers lequel convergent toutes ces forces politico-religieuses de notre inonde contemporain : les États-Unis d'Amérique, pays par le moyen duquel ces trois forces vont connaître un développement inattendu, mais annoncé par la prophétie.
Du point de vue strictement historique, il n'y a rien de plus étonnant que l'avènement des Etats-Unis d'Amérique au rang des grandes nations, au rang de la nation par excellence, menant le monde contemporain dans tous les domaines : politique, économique, scientifique et même religieux. Une nation de cette importance, jouant le rôle mondial que l'on sait, dans un temps que la prophétie désigne comme étant " la fin des temps ", devrait tout naturellement, semble-t-il, avoir été prévue par la parole prophétique.
Ce fut pourtant avec surprise que les pionniers du Mouvement adventiste découvrirent qu'il en était bien ainsi. Car ce sont eux qui firent cette découverte, en sorte qu'il n'y a pas dans l'interprétation des prophéties un sujet plus typiquement adventiste que celui des Etats-Unis et du rôle politico-religieux qu'il leur revient de jouer selon la prophétie d'Apocalypse 13 : 11-18. En effet, jusqu'au milieu du XIXe siècle, jamais un théologien n'a fait une allusion aux U.S.A. en rapport avec la prophétie. Comment aurait-il seulement pu en avoir l'idée à une époque où les U.S.A. n'avaient même pas atteint les limites de leurs frontières naturelles, où cette nation toute repliée sur elle-même se refusait à un rôle international ? Comment dès lors les premiers interprètes adventistes de la prophétie ont-ils été amenés à identifier la bête à deux cornes d'Apocalypse 13 avec les U.S.A. ? Voilà une question préliminaire qui mérite de retenir notre attention, avant que nous examinions le bien-fondé de l'interprétation elle-même.

I. Historique de l'interprétation de la prophétie d'Apocalypse 13 : 11-18

Ceux que la question intéresserait plus particulièrement trouveront tous les détails désirés sur cet aspect du sujet dans The Prophetic Faith of our Fathers de LeRoy Edwin Froom. Les tableaux qui résument, à la fin de chacun des quatre volumes, les interprétations diverses sur les chapitres des prophéties de Daniel et de l'Apocalypse, mettent en évidence une singulière uniformité quant à la prophétie d'Apocalypse 13. Les interprètes les plus divers s'accordent ici pour voir dans la bêle à deux cornes une métamorphose soit de la Rome païenne, soit de la Rome papale. Les premières variantes apparaissent avec la Révolution française, et le coup mortel apporté par celle-ci à la puissance des papes, en 1798. Les uns y voient donc tout naturellement la France sous Napoléon 1er qui, après avoir donné le coup mortel à la papauté, restaure sa puissance en signant le Concordat de 1802. Les deux cornes de la bête représenteraient alors la liberté et l'égalité, les deux principes au nom desquels se sont faites les révolutions européennes de la première moitié du XIXe siècle.
Toutefois, trois exceptions doivent être signalées ici. D'une manière ou d'une autre, elles ont dû influencer les recherches des premiers interprètes adventistes. La première en date remonte à un certain Dr Thomas Goodwin, président du Magdalen Collège, Oxford, et vice-chancelier de l'université d'Oxford, vers 1680. Convaincu du second retour du Christ et frappé par le danger d'un protestantisme étatisé dont l'Angleterre était alors le type, Goodwin parvint le premier parmi tous les interprètes de la prophétie à l'idée que la bête à deux cornes d'Apocalypse 13 symbolisait le protestantisme. A la fin du XVIIle siècle, deux théologiens américains, Isaac Backus et John Bacon, reprendront cette interprétation en ajoutant que les deux cornes de la bête devaient représenter les deux puissances du protestantisme : les libertés civiles et religieuses.
William Miller, et d'une manière générale les prédicateurs du second avènement, avant 1844, s'en tinrent à l'interprétation classique des théologiens protestants. Seul Josiah Litch, vers la fin de son ministère, commença à affirmer que la deuxième bête d'Apocalypse 13 devait être une puissance non-catholique romaine, dont l'apparition ne pouvait tarder, puisqu'elle devait se faire après la guérison de la blessure mortelle faite à la papauté sous la Révolution française. Très certainement, ce point de vue ne manqua pas d'influencer, entre 1844 et 1850, les pionniers du Mouvement adventiste qui étaient tous d'ardents interprètes de la parole prophétique. Ce sont eux qui localiseront, vers 1851, le lieu d'apparition et la puissance politico-religieuse symbolisée par la bête à deux cornes d'Apocalypse 13.
En effet, la première allusion remonte à l'année 1850. Sous la plume d'Hiram S. Case, on trouve par deux fois l'identification de la bête en question avec la Rome protestante, sous sa forme républicaine, mais sans mention des Etats-Unis d'Amérique. C'est John N. Andrews (notre premier missionnaire, en souvenir duquel a été nommée notre université aux U.S.A.) qui, pour la première fois, désigne les U.S.A. comme étant la puissance symbolisée par la prophétie d'Apocalypse 13. On peut lire cette importante affirmation dans un article, publié clans la Revient and Herald, le 19 mai 1851, sous le titre de ,,Pensées sur l'Apocalypse 13 et 14". Cette découverte du rôle prophétique des Etats-Unis ne manque pas d'impressionner nos pionniers. Nous en avons une preuve évidente par la publication successive d'autres articles sur le même sujet et au cours de la même année.
Trois mois plus tard, dans l'édition de la Review and Herald du 5 août 1851, Joseph Bâtes s'efforce, à son tour, de démontrer que seuls les Etats-Unis d'Amérique peuvent satisfaire aux données de la prophétie d'Apocalypse 13. Quinze jours après, dans l'éditorial de la Review du 19 août 1851, James White tient également à exprimer sa conviction personnelle sur le sujet. Mais ce n'est pas sans émotion qu'il constate que " l'avènement de son propre pays, avec ses deux principes fondamentaux, le protestantisme et le républicanisme, répond à la description prophétique de la bête devant monter de la terre et qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau ".
Dès lors, celle découverte ne fait plus l'objet d'un doute ; elle devient une vérité acquise et proclamée comme faisant partie du message adventiste des derniers temps. C'est ainsi qu'elle apparaîtra dorénavant dans nos diverses publications, et pour la première fois dans l'œuvre magistrale d'Uriah Smith, Thoughts on the Revelation (1807), puis de Daniel and Revelation. Est-il nécessaire de dire que Mrs E. G. White elle-même s'est exprimée sur ce point, comme elle l'a rarement fait pour d'autres passages prophétiques ? Nous aurons l'occasion de la citer, en rapport avec ce qu'elle a écrit sur les Etats-Unis et la prophétie dans La Tragédie des siècles.
On dit quelquefois que l'adventisme n'a rien inventé ; qu'il est comme la synthèse de toutes les vérités évangéliques dispersées au sein des autres dénominations chrétiennes, à l'exception peut-être de notre enseignement sur le Sanctuaire céleste. Remarquons en passant que, dans le domaine de l'interprétation prophétique, la découverte du rôle que doivent jouer les Etats-Unis en rapport avec la crise finale du monde, n'est point originale. Mais je vous pose précisément la question : en êtes-vous convaincu ? Y voyez-vous clair ? Comprenez-vous l'importance de ce signe des temps pour notre génération ?
Les fils et les petits-fils de nos pionniers étaient probablement fiers de cette découverte. Peut-être les arrière-petits-fils le sont-ils moins ? Très souvent, ils sont même quelque peu sceptiques. Il se pourrait fort bien que cette interprétation typiquement adventiste constitue, à vos yeux, une raison de douter plutôt qu'une raison de croire en la véracité de cette interprétation. Je n'oublie pas que vous êtes des étudiants de diverses universités européennes où rien ne compte comme la raison ; je m'efforcerai donc de la satisfaire par des faits historiques. Car Dieu a eu pitié de nous qui vivons en une génération où les théologiens mêmes ne croient plus dans la Bible, comme Parole de Dieu, et moins encore dans la Parole prophétique ; certains ne croient même plus en Dieu... Pour nous, nous n'avons plus à croire au rôle prophétique des Etats-Unis d'Amérique : l'histoire contemporaine - la plus contemporaine qui soit - nous en fournit la preuve la plus tangible, la plus évidente... C'est pourquoi, cette étude devrait non seulement nous passionner, comme elle passionna nos pionniers il y a plus de cent quinze ans ; mais encore elle devrait affermir notre foi dans le message adventiste. En prenant conscience que les U.S.A. sont bien la dernière puissance terrestre mentionnée par la prophétie, et que leur rôle est directement en relation avec la crise finale du monde, nous devrions être plus sensibles encore que ne l'ont été nos devanciers au fait que nous avons plus de raisons de croire à la proximité du retour de notre Seigneur Jésus-Christ.

Cette interprétation qui attribue un rôle prophétique aux U.S.A. pourrait fort bien être le produit de l'esprit tant soit peu nationaliste de nos pionniers américains. Pourquoi pas ? - Je ne le pense pas ; je le pense d'autant moins que le rôle attribué aux U.S.A. est loin d'être flatteur. D'ailleurs, nos frères américains, quand ils en parlent, le font avec émotion, voire avec chagrin. Ils auraient, certes, préféré attribuer ce rôle à une autre nation qu'à la leur. Et quand on sait combien les Américains sont fiers de leur pays, combien ils croient au rôle providentiel que les U.S.A. ont joué durant ces deux derniers siècles, on a plutôt de la peine à comprendre qu'ils soient arrivés à reconnaître - un siècle à l'avance - le rôle diabolique que la prophétie d'Apocalypse 13 prédit. Mais, précisément, la caractéristique du vrai prophète, comme de l'interprète authentique de la prophétie, c'est de dire la vérité quelle qu'elle soit, sans tenir compte des sentiments nationaux. Ce fut souvent l'expérience des prophètes d'Israël ; Jésus pleura sur Jérusalem, mais il n'a pas caché pour autant la vérité tragique qui la concernait. C'est aussi ce qu'ont fait les pionniers américains de ce message en découvrant la tragique réalité du rôle que la prophétie annonçait quant à leur patrie.
Peut-être vous dites-vous encore : " II y a probablement une simple coïncidence historique entre les origines de notre mouvement et le pays où ce mouvement prit naissance. " Qu'il y ait une relation directe entre les origines de notre mouvement et le rôle prophétique des U.S.A., cela ne fait aucun doute pour moi. Ce n'est pas accidentellement que le message d'Apocalypse 14 fait suite aux machinations du dragon d'Apocalypse 13. En suivant la chronologie du texte, on pourrait croire que Dieu a suscité notre mouvement aux U.S.A. pour contrecarrer les entreprises de l'antichrist, agissant par le moyen des U.S.A. Je pense plutôt que l'antichrist se sert des U.S.A. pour mieux contrecarrer l'œuvre de la dernière Eglise du Christ dont les débuts se situent en Amérique et dont le développement continue à dépendre pour une grande part des adventistes des U.S.A. De même que Satan suivit le Christ au désert, de même, précise le texte d'Apocalypse, le dragon poursuivit la postérité de la femme au désert, afin de lui faire la guerre.
Et pendant que nous sommes à cet aspect du problème, il faut encore dissiper un autre préjugé plus ou moins nationaliste. Les U.S.A. ne sont pas mentionnés dans la Bible en raison d'un sentiment pro ou antiaméricain, ni même parce que les U.S.A. sont une grande nation, voire la plus grande et la plus puissante qu'on ait jamais vue au cours de l'histoire. Le critère d'une " recension bibliques ", si je peux m'exprimer ainsi, n'a rien à faire avec de telles considérations. Il y a eu d'autres grands empires : celui de Charlemagne, le Saint Empire Germanique, l'Empire Austro-Hongrois, celui de la Reine Victoria sur lequel le soleil ne se couchait jamais, celui de Louis XIV, le roi Soleil - et j'en passe - dont la prophétie n'a jamais dit un mot. Pourquoi dès lors parle-t-elle des U.S.A. et non de l'U.R.S.S. ? Pourquoi fait-elle plusieurs fois allusion à la France et non à l'Allemagne ? Pourquoi la prophétie de Daniel fait-elle commencer l'histoire avec Babylone et non avec l'Egypte, dont l'histoire est pourtant beaucoup plus ancienne ?
Disons simplement que la Bible ne contient pas une histoire universelle, comme nous le comprenons de nos jours. Elle contient, certes, l'histoire la plus ancienne et la plus authentique qui soit, mais c'est une histoire spéciale ou, si vous préférez, c'est une histoire écrite selon une philosophie de l'histoire qui lui est propre et selon laquelle le peuple de Dieu constitue le centre autour duquel se joue tout le drame humain. Ainsi, ce qui détermine la prophétie à mentionner une nation, ce n'est pas sa grandeur ou sa petitesse, son ancienneté ou son apparition tardive sur la scène du monde, mais surtout et uniquement son rôle dans le plan de Dieu à l'égard de son peuple. C'est l'histoire du peuple de Dieu en relation avec les nations dominant le monde qui ont amené les prophètes à parler de l'Egypte, de l'Assyrie, de Babylone, de la Perse, de la Grèce ou de Rome. C'est un principe qu'il nous faut souligner avec force : une nation entre dans le champ de la prophétie biblique seulement lorsque le développement et la destinée du peuple de Dieu se trouvent liés à l'histoire de cette nation.
Pour ceux d'entre vous qui êtes peut-être quelque peu complexés de ne pas voir votre pays mentionné par la prophétie, je raconterai la petite expérience faite à Madagascar, alors que j'étais missionnaire là-bas. Très souvent les jeunes malgaches se posaient cette question : pourquoi donc la prophétie mentionne-t-elle toutes ces nations diverses et ne fait-elle jamais la moindre allusion aux nations africaines, par exemple ? Je leur répondais simplement : bienheureux les pays qui ne sont pas mentionnés par la Bible, car ceux qui le sont ne le sont jamais que par rapport à l'œuvre de l'antichrist !
C'est bien le cas de la France sous la Révolution (Apocalypse11.7-13) et de l'Amérique, directement engagée dans l'action faisant l'objet de la prophétie du chapitre 13 de l'Apocalypse. Mais chose extraordinaire - que seule la prophétie pouvait prédire, tellement elle est contraire à l'histoire de ces deux nations - la France catholique, fille aînée de l'Eglise, sert d'instrument pour abattre la puissance persécutrice des enfants de Dieu ; tout au contraire, les Etats-Unis, la nation protestante par excellence, formée par ceux-là même qui ont fui les persécutions papales en France et dans les autres pays européens, sert présentement - comme nous allons le voir - de moyen à la restauration de la puissance du Vatican. Or c'est précisément ce rôle étrange, absolument imprévisible, historiquement en contradiction avec tout le passé de cette nation, c'est ce rôle politico-religieux des U.S.A. que dévoile, à notre intention, la prophétie d'Apocalypse 13 : 11-18 qu'il nous faut maintenant examiner dans son détail.
Pour le faire, nous suivrons le texte même de la Bible qui, tout d'abord, nous fournit tous les éléments indispensables pour permettre l'identification de la puissance dont il est question ici ; ensuite, nous brosserons un tableau suffisamment clair des faits et gestes qui caractériseront la puissance en question dans un avenir plus ou moins proche, plus ou moins contemporain.

II - Identification de la " bête à deux cornes d'agneau " d'Apocalypse 13

Trois éléments sont indispensables pour permettre d'identifier un pays, son gouvernement et l'époque à laquelle on le considère : il faut tout d'abord et tout naturellement, posséder des éléments chronologiques pour le situer dans le temps ; puis des éléments géographiques pour le situer dans l'espace ; et enfin, des éléments caractéristiques de son gouvernement permettant de reconnaître le pays en question dans les principes fondamentaux de sa vie politique et religieuse. C'est très exactement les éléments d'identification fournis par le verset 11 de notre prophétie :
" Puis je vis monter de la terre une autre bête, qui avait deux cornes semblables à celles d'un agneau, et qui parlait comme un dragon. "

A) Les cléments d'ordre chronologique :
Ce verset, avec le contexte, nous fournit au moins deux éléments chronologiques d'une précision remarquable :
1°) La conjonction "puis" établit d'emblée une relation chronologique avec les événements des versets précédents. Cet emploi est caractéristique à Jean et au grec de la Koïné qui, sous l'influence de l'hébreu, emploie la conjonction KAI pour introduire une proposition causale, consécutive et temporelle, comme c'est ici le cas.
La puissance politique - car c'est ce que veut dire dans la prophétie le symbole de la bête - que le prophète voit monter de la terre est directement une conséquence des événements antérieurs. Et quels sont ces événements ? La disparition de la puissance papale qui a succédé à l'empire romain, dominé le monde, fait la guerre aux saints pendant 1 200 années, soit de 538, date de la chute du dernier des empereurs régnant à Home, à 1798, date de l'arrestation du pape Pie VI par le général Berthier, sur l'ordre de Napoléon Bonaparte. Le temps nous manque pour analyser toute la première partie du chapitre 13 où i) est justement question de la blessure mortelle faite à la puissance politico-religieuse qui ; reçu du dragon romain " sa puissance, et son trône et une grande autorité " (v. 2 b). Les détails de cette prophétie sont d'une telle évidence qu'elle a fait l'unanimité des interprètes protestants par le passé ; certains catholiques même ne s'y sont pas trompés. Enfin, l'élément chronologique des 1 260 années, apparaissant ici pour la septième fois, est d'une telle précision qu'il ne laisse aucun doute possible. Par sept fois (2 dans Daniel, 5 dans l'Apocalypse), la même période prophétique de 1 260 années nous conduit donc à Tannée 1798, durant laquelle se passent justement les événements antérieurs auxquels se réfère la conjonction " puis " de notre texte.
En réalité, la prophétie est plus précise encore pour qui a des oreilles pour entendre, comme il est dit au verset 9. Non content de fixer la date de 1798, elle nous dit encore ce qui s'est passé d'extraordinaire durant cette année-là, si toutefois nous ne le savions pas ou si nous voulions nous boucher les oreilles pour ne pas le savoir : le début de la captivité du pontife romain, comme conséquence toute naturelle de son action durant des siècles. " Si quelqu'un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu'un tue par l'épée, il faut qu'il soit tué par l'épée. " (V. 10.) L'épée est ici le symbole de la force armée dont se sont servis les papes pour persécuter, et de la force armée aussi qui blessa mortellement la puissance papale.
Selon notre prophétie, c'est à cette époque de l'histoire contemporaine que doit surgir la puissance, objet de notre étude. Ecrivant en 1754, John Wesley avait parfaitement compris ce détail : " Cette puissance n'est pas encore venue, mais son avènement n'est pas lointain. Car son apparition doit avoir lieu à la fin des quarante-deux mois de la première bête. " II était naturellement loin de penser qu'il s'agissait du pays même où il se trouvait, cette Amérique, terre de mission et de refuge pour tous les persécutés politiques et religieux d'Europe.
En effet, il ne peut pas s'agir d'un autre pays que de celui-là. Non pas que l'Amérique soit le seul gouvernement à surgir à ce moment de l'histoire. D'aucuns ont d'ailleurs pensé à la France nouvelle, issue de la Révolution, à l'Empire de Napoléon qui apparaît précisément à cette époque. Il y aurait, certes, plusieurs interprétations possibles, s'il n'y avait que cet élément chronologique fixant à 1798 environ l'avènement de cette nouvelle puissance. Mais il faut considérer les autres détails. Le deuxième élément chronologique se trouve dans le symbole de l'agneau.
2°) "Deux cornes semblables à celles d'un agneau. " Le symbole de l'agneau peut, certes, donner l'idée d'innocence, de douceur, mais aussi de jeunesse. Les deux cornes, c'est-à-dire les deux puissances caractéristiques de cette nation, sont encore celles d'un agneau. Elles viennent seulement de percer ; elles sont encore à peine visibles. C'est dire que la nation en question n'a elle-même aucun passé historique : elle vient de naître et à l'heure où le prophète la voit surgir elle lui apparaît, en 1798, sous le symbole de l'agneau. Non pas d'un bouc ou d'un bélier, comme Daniel vit surgir des vieilles nations comme la Perse ou la Grèce, mais sous celui d'un agneau. En effet, il y avait dix ans seulement que les onze premiers Etats de l'Union venaient de ratifier la constitution, le 26 juillet 1788.

Venons-en au détail géographique.
B) Les éléments d'ordre géographique : en réalité, il n'y en a qu'un seul : la terre du sein de laquelle le prophète voit " monter " la bête à deux cornes d'agneau.
Les bêtes symboliques de Daniel 7, comme la bête à dix cornes du début du chapitre 13, montent de la mer battue par " les quatre vents des cieux ", symbole de l'Ancien Monde et de ses bouleversements politiques. Jean lui-même en donne d'ailleurs l'explication, dans Apocalypse 17 : 15, quand il écrit : "Les eaux que tu as vues, sur lesquelles la prostituée est assise, ce sont des peuples, des foules, des nations et des langues." Jésus emploie le même langage symbolique, dans son discours sur la fin des temps : " II y aura de l'angoisse chez les nations qui ne sauront que faire au bruit de la mer et des flots. " (Luc 21 : 25.)
Par opposition à la mer, la terre représente donc l'inverse : l'absence de nations, de peuples, de foules. Et lorsque la prophétie dit que la bête à deux cornes " monte de la terre ", elle désigne donc une puissance nouvelle qui apparaît paisiblement, sans passer par le choc des batailles et la violence des conquêtes. C'est d'ailleurs également ce qu'indique le symbole de l'agneau par opposition au lion babylonien, à l'ours médo-persan, au léopard macédonien ou au dragon de Daniel 7.
Y a-t-il un pays qui réponde mieux que les U.S.A. à cette indication d'ordre géographique ? Je ne le crois pas. Il serait intéressant de citer ici les témoignages des historiens du XIXe siècle qui tous reconnaissent la montée des U.S.A. comme étant un phénomène historique unique. Il n'y a pas deux nations qui se soient formées, au cours de l'histoire, comme les Etats-Unis d'Amérique. Aucune autre n'a surgi comme elle, du milieu d'une terre vierge, sans passé historique, pour parvenir à la tête des nations du monde, entre 1788 et nos jours.
C'est, du reste, ce que veut dire le verbe " monter ", pour décrire le jaillissement de cette nation. Le verbe grec du texte original est couramment employé pour décrire la croissance d'une plante. Ici, il indique la seule action en procès, depuis le moment où le prophète voit apparaître cette nation, après 1798, jusqu'au moment où elle commence à agir pour le compte de la première bête dont la blessure mortelle a été guérie. Les faits confirment la prophétie : le 21 décembre 1620, débarquaient du Mayflower les quelque cent premiers pèlerins : c'est le début de l'immigration. En 1790, il y avait environ quatre millions d'habitants aux U.S.A. ; en 1960, il y en avait cent quatre-vingts millions, soit quarante-six fois plus. Jamais croissance n'avait été plus rapide. Dans le même laps de temps, la France ne fera que doubler sa population. C'est un vrai jaillissement, bref un phénomène historique unique et sans comparaison dans l'histoire des peuples. C'est ce qu'indiqué la montée de la terre plutôt que de la mer.
Mais là ne s'arrête pas l'identification donnée par la prophétie. Elle nous fournit encore les éléments définissant le caractère politico-religieux de son gouvernement.

C) Les éléments caractéristiques de son gouvernement.
" Elle avait deux cornes semblables à celles d'un agneau. " Ici encore, il faut retenir le symbole de l'agneau qui, en plus de l'idée de jeunesse, suggère aussi celle de douceur, d'innocence. Ce symbole indique qu'il s'agit d'une nation fort différente des puissances représentées par les autres symboles de la prophétie. Alors que les grands empires qui ont dominé sur le monde apparaissent aux yeux du prophète sous l'image de bêtes de proie, de monstres même (cf. chap. 13 : 1), celle-ci est représentée par l'animal le plus doux qu'on puisse imaginer : l'agneau. En matière de gouvernement, la douceur ne peut dénoter que le principe de la plus large liberté à la fois civile et religieuse.
Or, quelle est la nation qui, jeune encore vers 1798, offrait au monde un exemple de gouvernement vraiment démocratique, issue non pas de la révolution du peuple ou de la guerre, mais simplement du libre consentement des parties contractantes ? E. G. White répond à cette question dans La Tragédie des Siècles : " L'application du symbole ne laisse pas l'ombre d'un doute. Une nation, une seule, remplit les conditions de notre prophétie : ce sont les Etats-Unis d'Amérique. " (p. 481.)
Quant aux deux cornes, symboles des principes qui ont fait la puissance de cette nation, ce sont, pour les uns, le Protestantisme et le Républicanisme ; pour d'autres, les deux libertés fondamentales : civile et religieuse. A vrai dire, les deux explications sont complémentaires.
Un détail supplémentaire mérite notre attention en rapport avec les cornes. IL s'agit bien ici d'une puissance républicaine et non pas monarchique. Les dix cornes de la première bête, représentant les diverses nations issues de l'empire romain et sur lesquelles règne la puissance papale pendant mille deux cent soixante années, étaient " couronnées " (cf. v. 1). Il s'agissait alors de monarchies. En 1798, à l'exception de la petite Suisse, seule la France était une république encore que ce ne fût pas pour longtemps. C'est dire que les Etats-Unis d'Amérique seuls répondent ici encore au détail de la prophétie.
Comme on le voit, qu'il s'agisse des détails chronologiques, géographiques ou politico-religieux, seuls les Etats-Unis d'Amérique satisfont parfaitement aux données de la prophétie. Le temps ne me permet pas de vous apporter le témoignage des historiens qui, sans connaître la prophétie et sans relation avec elle, ont écrit sur l'apparition des U.S.A. an sein du concert des nations du monde des faits qui confondent d'étonnement lorsqu'on les met en parallèle avec chacun des détails mentionnés.
Il serait temps maintenant de considérer ce que la prophétie nous dit au sujet des faits et gestes de hi nation identifiée. A l'ouïe des choses uniques et merveilleuses qu'il nous serait possible de dire encore en rapport avec l'histoire des U.S.A., on serait en droit de s'attendre de cette nation à un rôle non moins extraordinaire et merveilleux une fois parvenue à la di lion du monde. Or, c'est précisément le contraire que nous annonce la prophétie :
La bête aux cornes d'agneau, nous est-il dit, " parlait comme un dragon ". Quel contraste ! E. G. White n'hésite pas à écrire : " Les cornes semblables à celle d'un agneau et le langage du dragon indiquent chez cette bête une contradiction frappante entre la profession de foi et les actes de la nation qu'elle représente. C'est par ses lois et par ses décisions judiciaires qu'une nation ,,parle". C'est par ces organes qu'elle donnera un jour le démenti aux principes libéraux et pacifiques qu'elle a mis à la base de la chose publique. La prédiction qu'elle parlerait ,,comme un dragon", et qu'elle exercerait ,,toute l'autorité de la première bête en sa présence", annonce clairement l'apparition d'un esprit d'intolérance et de persécution analogue à l'esprit manifesté par les nations représentées par le dragon et le léopard. " (Tragédie des Siècles, p. 482.)

III - Les Faits et Gestes de la Bête aux deux cornes d'agneau

L'Amérique renierait-elle donc ses principes ? C'est ce que veut dire la prophétie lorsqu'elle nous la présente en action, parlant " comme un dragon ". L'analyse des versets 12 à 17 permet de dresser la liste précise des faits et gestes caractérisant sa politique. Mais encore faut-il se souvenir ici du principe que nous avons énoncé plus haut : une nation entre dans le champ de la prophétie biblique seulement lorsque le développement et la destinée du peuple de Dieu se trouvent directement liés à l'histoire de cette nation. C'est donc essentiellement d'un point de vue religieux que la prophétie se place lorsqu'elle dresse la liste des méfaits de la politique du gouvernement américain. Et voici les quatre principales prévisions finies par la prophétie à son sujet :
1°) II commencera par imiter la bête papale en s'ingérant dans le domaine de la conscience et de la loi divine (verset 12).
2n) II mettra tout en œuvre pour restaurer la puissance papale, faisant en sorte que " la terre et ses habitants adorent la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie" (verset 12 b).
3°) II opérera des prodiges en vue de séduire les habitants de la terre, afin de les amener à " faire une image à la bête ", c'est-à-dire une réplique de la théocratie papale telle qu'elle avait existé pendant les mille deux cent soixante années, avant la blessure mortelle de 1798.
4°) Enfin, ayant réussi dans son projet, il fera parler l'image de la bête, c'est-à-dire qu'il fera légiférer cette puissance politico-religieuse qui, aussitôt, manifestera son esprit en décrétant " que tous ceux qui n'adoreraient pas l'image de la bête fussent tués " (versets 15-17).
Tout ceci paraît absolument incroyable, tellement ces prédictions s'opposent au passé de la nation que nous venons d'identifier. De toute manière, si elles doivent s'accomplir ce ne peut être que dans un avenir assez lointain, penserez-vous probablement. Détrompez-vous, car même si nous avons employé le futur pour énumérer les diverses entreprises du gouvernement des U.S.A. à rencontre des croyants de la dernière Eglise du Christ, dans bien des cas le processus de cette action politico-religieuse est déjà amorcé. "Le mystère de l'iniquité agit déjà", dirait l'apôtre Paul.
Le temps nous manque pour permettre une analyse de chacun des points mentionnés. Pour ceux d'entre vous qui ne se souviendraient pas du détail de notre interprétation, je me permets de vous renvoyer à nos divers commentaires sur l'Apocalypse, aux nombreux articles publiés dans nos revues, et en particulier au chapitre 25 de la Tragédie des siècles. Notre intention ici n'est pas tellement de vous donner une explication détaillée de l'accomplissement de cette prophétie, mais plutôt de vous rendre conscients que nous vivons à l'heure où celle-ci commence à s'accomplir.
Il y a, en effet, dans le verset 12, une indication chronologique d'une importance capitale. Grâce à elle, il est possible d'établir que nous vivons présentement la première phase des événements annoncés par cette prophétie. Il faut donc que nous nous y arrêtions quelques instants :
" La blessure mortelle - de la première bête - avait été guérie. "
Cette déclaration annonce très simplement que les U.S.A. ne doivent entrer en action qu'après la guérison de la blessure mortelle de la puissance papale. La question est donc de savoir où nous en sommes sur ce point particulier. Il se pourrait que la date de la guérison soit aussi aisée à déterminer que celle de la blessure.

Une étude attentive de l'histoire de la blessure et de la guérison de la puissance papale comprend quatre périodes très nettement délimitées par les événements politico-religieux survenus depuis la Révolution française jusqu'à nos jours :
1) La période de la blessure mortelle : 1798-1870
1798, voilà la date précise de la blessure mortelle donnée à la puissance papale. Il y a dans les dix premiers versets du chap. 13 de l'Apocalypse tous les détails à ce sujet, avec la fameuse période prophétique des 1260 années de la suprématie papale aboutissant à l'année 1798. Cette date constitue, d'ailleurs, le point de départ de ce que la prophétie appelle d'autre part " les temps de la fin ".
De 1798 à 1870, ce sont vraiment des années tragiques pour la Papauté. Le pape est dépouillé de son pouvoir temporel, après avoir été emmené en captivité à plusieurs reprises. D'abord, par Napoléon 1er qui le retient prisonnier à Paris. Puis en 1848, c'est le peuple de Rome qui envahit le Vatican obligeant le pape à s'enfuir de la ville éternelle. Enfin, en 1869, le roi d'Italie annexe les Etats de l'Eglise et fait de Rome sa capitale, tandis que le pape s'enferme, prisonnier volontaire, dans son palais du Vatican où il restera jusqu'en 1929.
2) La période de la lutte contre la mort : 1870 à 1914
Toutefois, la Papauté ne meurt pas de sa blessure mortelle. Le verset 3 d'Apocalypse 13 précise justement que " sa blessure mortelle fut guérie ". En effet, à l'heure la plus sombre de son histoire, dans l'année même où la Papauté est dépouillée de toute sa puissance temporelle, le Concile de Vatican I, en 1870, fait une de ces transfusions de sang qui sauvera miraculeusement la Papauté de la mort, en proclamant, envers et contre toutes les oppositions, l'infaillibilité papale. Cette puissance nouvelle, toute spirituelle celle-là, constituera le sérum de la guérison. Certes, la guérison n'est pas encore assurée, mais la lutte contre la mort a commencé et malgré les pires assauts, la Papauté survivra jusqu'à la première guerre mondiale. Celle-ci constituera même un temps d'arrêt dans la lutte, absorbées que sont les nations dites chrétiennes dans les batailles sans merci qu'elles se livrent entre elles. Les services rendus par le pape prépareront la convalescence de l'entre-deux guerres.
3) La période de la convalescence : 1918 à 1945
Les régimes totalitaires serviront de béquilles ou de garde-malades. En signant le traité de Latran avec Mussolini, le pape soutient le fascisme en même temps qu'il en obtient sa libération. En négociant avec Hitler le concordat le plus avantageux qu'aient jamais obtenu les catholiques allemands, non seulement la Papauté a favorisé le nazisme mais encore a eu à son égard un silence coupable comme d'aucuns s'efforcent encore de le montrer de nos jours. Il n'est pas jusqu'au régime de Vichy qui ne servît à une première réconciliation avec la France. Quoi qu'il en soit, à la faveur de la deuxième guerre mondiale, les derniers malaises se dissiperont, et la fin de la seconde guerre mondiale marquera aussi le temps de la guérison de la blessure mortelle, reçue en 1798.
4) La période de la guérison : 1945
Est-il besoin de vous rappeler le rayonnement de plus en plus international de la Papauté, après 1945 ? Le règne du bon pape Jean XXIII est encore tout frais à nos mémoires. Il obtint vraiment l'admiration du monde entier, et l'on peut dire sans se tromper qu'il accomplit à la lettre la prophétie d'Apoc. 13 : 3 b : " Et toute la terre était dans l'admiration derrière la bête dont la blessure mortelle avait été guérie. "
Que la blessure mortelle soit guérie, les exploits de Paul VI suffisent à le prouver. C'est d'ailleurs bien ainsi qu'on a interprété dans le monde ses voyages en Palestine, aux Indes, et son intervention spectaculaire dans l'arène des nations à New York, le 4 octobre 1965. Enfin, le Concile de Vatican II ne constitue-t-il pas une preuve supplémentaire de la guérison miraculeuse ?
" Certes, Paul VI, en se rendant en Palestine, entend marquer l'avènement d'une ère nouvelle de la Papauté... " (Construire, janv. 1964.)
Dans son discours à l'O.N.U., le pape lui-même a indiqué le sens extraordinaire de l'événement : "Vous savez bien, quelle que soit votre opinion sur le pontife de Rome, vous connaissez notre mission : nous sommes porteurs d'un message pour toute l'humanité. ... Et tel le messager qui, au terme d'un long voyage remet la lettre qui lui a été confiée, ainsi nous avons conscience de vivre l'instant privilégié - si bref soit-il - où s'accomplit un voeu que nous portons dans le cœur depuis près de vingt siècles. Oui, vous vous en souvenez. C'est depuis longtemps que nous sommes en route, et nous portons avec nous une longue histoire. Nous célébrons ici l'épilogue d'un laborieux pèlerinage à la recherche d'un colloque avec le inonde entier. ... Or, c'est vous qui représentez toutes les nations. "
Est-il besoin d'un autre commentaire aux paroles de la prophétie d'Apoc. 13 :7b, 8: "Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation. Et tous les habitants de la terre l'adoreront... " ? Pour qui a des oreilles et des yeux, il n'y a pas de doute possible : l'époque de la guérison de la blessure mortelle n'est plus à chercher dans l'avenir. C'est une affaire contemporaine, et déjà le processus de la nouvelle politique religieuse du Vatican, comme des U.S.A., est en route.
D'ailleurs, si 1945 marque l'époque de la restauration de la puissance du Vatican, 1945 marque aussi l'avènement des Etats-Unis d'Amérique à la direction des affaires du monde, comme nation : en mai 1945, ils dictent la paix au monde ; en août 1945, ils imposent leur puissance incontestable par l'explosion de la première bombe atomique. N'y a-t-il pas là une coïncidence étrange ? A l'heure même où " la blessure mortelle " de la première bête est guérie, la puissance, qui était apparue au prophète comme un agneau, commence à agir comme " un dragon ". C'est très exactement ce qu'avait annoncé la prophétie dans le verset 12 : " Elle exerçait toute l'autorité de la première bête en sa présence, et elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête, dont la blessure mortelle avait été guérie. "
C'est précisément ce que nous voyons : depuis vingt ans déjà les U.S.A. exercent l'autorité sur les nations ; ils l'exercent en présence de la Papauté qui, depuis vingt ans, nous assistons à une harmonisation de la politique mondiale du Vatican et des U.S.A.
Dans un livre paru en 1948, sous le titre " L'impérialisme protestant ", Frédéric Hoffet manifeste son étonnement, en constatant qu'à l'heure du triomphe des nations protestantes dans le monde, on ne sait sous l'influence de quel machiavélisme, celles-ci en sont venues à faire la politique du Vatican. " Au moment même où les pays catholiques cessent de compter parmi ceux qui dirigent les destins du monde, et que le dernier d'entre eux qui joue encore un rôle de quelque importance, la France, ne se maintient qu'avec peine parmi les grandes puissances, elle (l'Eglise romaine) se montre plus entreprenante, plus audacieuse que jamais. Avec ce sens de l'opportunité qu'elle possède au plus haut degré, elle fait aujourd'hui une politique qui rappelle, par l'ampleur de ses desseins, celle des plus grandes époques de son histoire." (P. 227.)
" La politique américaine elle-même a subi par cette voie détournée l'influence de l'Eglise romaine ... qui a ainsi réussi à entacher devant le monde l'image de la grande République protestante. ... Si, poussée par la crainte du communisme, l'Amérique, aveuglée, cédait cependant aux sollicitations de Rome, qu'elle y prenne garde : c'est à elle-même qu'elle serait infidèle. Alliée à une Eglise qui représente toujours, sinon l'absolutisme, du moins l'intolérance, elle perdrait aussitôt, avec ce rayonnement moral qui fait regarder vers elle tous ceux qui ne veulent pas abandonner leur idéal de liberté, le droit de défendre à travers le monde les grands principes sur lesquels s'est édifiée sa démocratie." (P. 234, 244.)
Ce qui n'était qu'une crainte en 1948 est aujourd'hui la plus tragique des réalités historiques. Périodiquement paraissent dans la Review and Herald des articles destinés à tenir le lecteur adventiste au courant de l'évolution des événements en rapport avec cette prophétie. Tout récemment, le problème de ) Union de l'Eglise et de l'Etat a fait l'objet d'une session spéciale, à Andrews University, en présence de nos hommes les plus qualifiés en matière de libellé religieuse, venus du monde entier. La communication de F. D. Michel, publiée dans la R. and H. des 21, 28 juillet et des 4, 11 et 19 août 1950, ne laisse aucun doute quant à l'actualité de cette prophétie. Certes, les accomplissements rapportés ne portent encore que sur des affaires secondaires, mais le but final du processus engagé est clairement indiqué par la parole prophétique : " Elle faisait que la terre et ses habitants adoraient la première bête ", celle " dont la blessure mortelle avait été guérie ".
Nous rejoignons ici les prédictions faites aux versets 7 et 8 ainsi que les intentions si clairement exprimées par le pape lui-même dans son discours à l'O.N.U. : " Nous célébrons ici l'épilogue d'un laborieux pèlerinage à la recherche d'un colloque avec le monde entier... " Evidemment, il ne saurait encore être question d'adoration ; mais déjà cet événement signifie une reconnaissance de l'autorité que représente la Papauté au sein des nations. De plus, directement ou indirectement, cette manifestation du pape à l'O.N.U. s'est faite sous le couvert des U.S.A. dont le président avait tenu à recevoir Paul VI.
Le pas suivant ne sera, d'ailleurs, pas très compliqué à franchir, car le verbe adorer, dont il est question dans la prophétie, ne signifie pas que les habitants de la terre prendront le pape pour Dieu lui-même, mais simplement - et cela est suffisant - qu'ils reconnaîtront son autorité, sa volonté, ses lois, comme l'expression de la volonté divine.
E.G. White le dit clairement : " Quiconque transgressera le commandement de Dieu pour se conformer à un précepte qui n'a pas de plus haute autorité que celle de Rome, élèvera de ce fait le pape au-dessus de Dieu. Ce sera rendre hommage à Rome et à la puissance qui impose l'institution issue de Rome. Ce sera adorer la bête et son image. " (Tragédie, p. 491)
Les U.S.A. ne sont pas seulement la nation protestante la plus directement au service de la politique vaticane, mais encore celle où l'oecuménisme aboutira dans un très prochain avenir, à la formation d'une puissance politico-religieuse animée du même esprit que celle qui domina le monde pendant 1260 années, sous le beau nom de " chrétienté "
Cette interprétation paraissait, aux yeux de beaucoup, il y a quelques décennies seulement, comme une pure fantaisie. Pour les adventistes eux-mêmes, l'accomplissement de cette prophétie ne pouvait se concevoir que dans un temps plus ou moins éloigné. Aujourd'hui, la prophétie est devenue réalité historique pour une bonne part ; et la part accomplie devient une garantie de ce qui est encore à venir. Cette prophétie sur le rôle des U.S.A. dans les temps de la fin constitue pour les enfants de Dieu de cette génération un signe des temps tout particulier, étant directement en relation avec le contenu du message d'Apocalypse 14, demandant d'adorer Dieu seul. Car, y lisons-nous : " Si quelqu'un adore la bête et son image, et reçoit une marque sur son front ou sur sa main, il boira, lui aussi, du vin de la fureur de Dieu... " (Verset 9.)
L'interprétation typiquement adventiste qui voit dans la prophétie d'Apocalypse 13 une prédiction sur le rôle des U.S.A., est donc parfaitement fondée. C'est la prophétie par excellence pour la génération qui la voit s'accomplir, c'est-à-dire pour nous qui en vivons présentement le début de sa réalisation. La vigilance est donc d'autant plus importante aujourd'hui que " nous savons en quel temps nous sommes : c'est l'heure de vous réveiller enfin du sommeil, écrit l'apôtre Paul, car maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru. La nuit est avancée, le jour approche " (Rom. 13 :11). Cette prise de conscience du sérieux des temps devrait avoir un effet direct sur notre foi et sur notre comportement spirituel. " Soyez sur vos gardes, dit le Maître: je vous ai tout annoncé d'avance. " (Marc 13 : 23) " Je vous ai dit ces choses avant qu'elles arrivent afin que, lorsqu'elles arriveront, vous croyiez. " (Jean, 14:29.)

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