Article paru dans le quotidien suisse 24 Heures (15 décembre 2001)
AFGHANISTAN
LIEN ENTRE LE NOUVEAU LEADER ET UN GÉANT PÉTROLIER
AMÉRICAIN?
Un mystérieux pipeline
Selon Le Monde,
Hamid Karzai aurait été consultant pour Unocal qui voulait investir 2,5
milliards de dollars pour construire un pipeline en Afghanistan. Vrai? Faux? Les
intérêts prétroliers de Bush dans la région semblent, eux, bien réels.
Qui est
qui? Hamid Karzaï 44 ans. Dirigeant royaliste propulsé à la tête de l'Afghanistan à l'issue de la conférence de Bonn. Doit prendre ses fonctions le 22 décembre. Unocal Géant californien du pétrole (chiffre d'affaire en l'an 2000: 9,3 milliards de dollars). Etait de 1995 à 1998 actionnaire majoritaire (46% des parts) de Centgas, un consortium qui voulait construire un pipeline devant relier le turkménistan au Pakistan, via l'Afghanistan. Zalmay Khalilzad 50 ans. Américain d'origine afghane. Conseiller de Bush pour les question touchant au Golfe et à l'Asie centrale depuis mai 2001. Il était consultant chez Unocal de 1996 à 1998. John Maresca Vice-président d'Unocal, de 1997 à 1999, au département des relations internationales. A rendu, en février 1998, un rapport au gouvernement vantant les atouts d'un éventuel pipeline traversant |
PAR JEAN-COSME DELALOYE
A pas de fourmis, la nouvelle progresse. Le
Monde et Le Courrier international l'annoncent le 6 décembre dernier:
Hamid Karzaï, le nouvel homme fort de Kaboul, aurait travaillé comme consultant
pour Unocal. La raison: de 1995 à 1998, le géant du pétrole basé en Californie
étudie la construction d'un pipeline qui relierait le Turkménistan au Pakistan
en traversant l'Afghanistan.
Les calculs d'Unocal sont simples. Encouragée
par John Maresca, son vice-président chargé des relations internationales, la
firme y voit la solution idéale pour transporter le pétrole de la Caspienne en
direction de l'océan indien tout en évitant l'Iran. Estimé à 2,5 milliards de
dollars, ce projet présente pourtant un problème de taille: l'Afghanistan est
alors déchiré par la guerre civile. D'où le besoin de conseillers connaissant la
région. L'idée sera finalement abandonnée en 1998 au lendemain des premières
frappes américaines sur les camps de Ben Laden en Afghanistan.
Arrivé
mercredi à Kaboul pour diriger l'administration intérimaire afghane dès le 22
décembre, Hamid Karzaï a-t-il collaboré au projet? Barry Lane, porte-parole
d'Unocal à El Segundo en Californie, est catégorique: "Non, il n'a pas travaillé
chez nous. A l'époque, nous avons effectivement engagé de nombreux experts pour
réfléchir à la question du pipeline. Mais pas Monsieur Karzaï."
"Pas de
Karzaï chez nous"
Réponse quasiment identique à Sugar Land au Texas, au
département Asie Centrale du groupe. "Hamid Karzaï n'a jamais été employé ou
consultant d'Unocal, affirme Teresa Covington, porte-parole. Je ne peux pas
exclure qu'il y ait eu une fois un contact entre quelqu'un de chez nous et
Monsieur Karzaï au cours de l'élaboration du projet. Mais pas à ma
connaissance." Et d'ajouter: "En tout cas, nous avons fait une enquête interne
et il n'y a aucune trace de contrat avec lui."
Au siège d'Unocal, on précise
que la question du pipeline à travers l'Afghanistan, n'est plus d'actualité.
"Nous avons fermé tous nos bureaux dans la ragion, à part un en Azerbaïdjan,
poursuit Teresa Covington. Nous nous concentrons désormais sur d'autres
marchés."
Le pipeline, une affaire révolue? Pas forcément pour tout le monde.
Les liens de l'administration Bush avec l'or noir d'Asie centrale semblent
tenaces. John Maresca, par exemple. Ancien ambassadeur à Chypre sous Bush
senior, l'homme a fait partie du directoire d'Unocal jusqu'en septembre 1999. En
février 1998, il rend un rapport au comité gouvernemental sur les relations
internationales. Il estime que le pipeline pourrait permettre d'écouler une
partie de la production pétrolière de la Caspienne. Un enjeu considérable, comme
l'explique John Maresca. D'ici 2010, celui-ci prévoit une augmentation de la
production de 500% par rapport à son niveau de 1995.
Retour en force
Autre
exemple: Zalmay Khalilzad. Déjà actif sous Reagan et Bush Sr, l'homme d'origine
afghane est resté en retrait pendant les huit ans d'administration Clinton avant
de revenir en force. Aujourd'hui conseiller du président Bush pour le Golfe et
l'Asie centrale, Zalmay Khalilzad fut consultant de 1996 à 1998
chez...Unocal.
Avec l'accalmie politique à Kaboul qu'espère le président Bush, l'idée du pipeline
pourrait encore prendre plus s'importance. La Central Asia Oil et Gas Industry,
une compagnie américaine basée en Asie centrale, semble en effet très intéressée
à investir dans cette route de l'or noir.