Le Monde diplomatique
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L'empire contre l'Irak
 

Cahier documentaire sur le Golfe

Plus rien ne semble capable d'enrayer la machine de guerre américaine. En mars 250 000 soldats américains, appuyés par quelques supplétifs britanniques, seront réunis dans le Golfe, prêts pour l'assaut contre Bagdad. C'est dès le lendemain du 11 septembre 2001 que l'administration Bush décida de faire du renversement du régime irakien un axe de sa stratégie. Bien sûr, des responsables aussi importants que MM. Richard Cheney, Donald Rumsfeld ou Paul Wolfowitz préconisaient depuis longtemps une telle attaque. Mais les conditions dans laquelle le président George W. Bush avait été élu rendaient difficile la mise en oeuvre de cet objectif. Grâce au 11 septembre, cela est désormais possible.

C'est une vision manichéenne du monde qui prévaut désormais à Washington. « Qui n'est pas avec nous est avec les terroristes » affirmait le président Bush. Le document de septembre 2002, « The National Security Strategy of the United States », qui inclut pour la première fois la notion de guerre préventive, confirme la nouvelle orientation de l'hyperpuissance, qui considère que ses intérêts s'identifient désormais au droit (lire les documents de la première partie, Stratégie des Etats-Unis).

Il serait faux de croire que cette stratégie est une réponse directe aux attaques du 11 septembre 2001. Elle était déjà formulée dans un document de septembre 2000, signé par des membres influents de l'actuelle administration, avant leur arrivée aux affaires. Le terrorisme aurait remplacé le nazisme et le communisme comme nouvel ennemi des Etats-Unis. Mais le terrorisme n'est ni une idéologie, ni une menace stratégique - ne s'appuyant sur aucun Etat. Il est un épouvantail utile, à dimension variable, qui permet de discréditer un ennemi. Surtout quand il est associé, dans un triangle du mal, aux armes de destruction massive et aux Etats dits voyous (lire les documents de la deuxième partie, La menace terroriste).

Cette « guerre contre le terrorisme » sera longue, a prévenu le président Bush. Elle a commencé avec l'offensive en Afghanistan et le renversement du régime des talibans, s'est poursuivie par la mise hors la loi de centaines d'organisations et d'individus. Mais les critères de sélection restent flous, plus conformes aux visions américaines qu'à une - impossible - définition du phénomène terroriste. Cette guerre a également permis à un certain nombre d'Etats de justifier leur politique répressive : la Russie en Tchétchénie, Israël en Palestine, l'Inde au Cachemire, etc. Dans les pays du Nord, une offensive s'est aussi déployée contre les « ennemis de l'intérieur » souvent identifiés aux immigrés d'origine musulmane, voire aux contestataires (lire les documents de la troisième partie, La guerre contre le terrorisme).

C'est pour détruire les armes de destruction massive de l'Irak que les Etats-Unis ont décidé l'assaut contre le régime de M. Saddam Hussein. Pourtant, ils n'ont apporté dans ce domaine aucune preuve, en tous les cas pas la preuve que le gouvernement irakien était une telle menace pour la paix et la sécurité du monde que la guerre était indispensable. Le double langage de Washington apparaît clairement si l'on compare son attitude à l'égard de la Corée du Nord. Bien sûr, le problème de la prolifération des armes de destruction massive est réel, mais il demande une réponse multilatérale, à travers les traités existants et le renforcement des contrôles, notamment des exportations de matériel sensible. Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne ne portent-ils pas une responsabilité sérieuse dans le programme mis en place par M. Saddam Hussein dans les années 1980 ? (lire les documents de la quatrième partie, Les armes de destruction massive).

La première victime d'une guerre sera le peuple irakien, qui subit depuis de longues années les méfaits d'une dictature sanglante et de sanctions criminelles. Le régime, responsable de deux guerres - contre l'Iran et contre le Koweït -, est soumis à un contrôle étroit depuis 1991. Le travail des inspecteurs des Nations unies a permis de réduire considérablement ses capacités de nuisance, mais il s'est accompagné d'un embargo sans précédent dans l'histoire. Une nouvelle guerre imposée à un pays dont la population est à bout de souffle et les infrastructures usées se traduirait, selon les Nations unies, par des centaines de milliers de victimes. Et la vision d'un Irak pacifique et démocratique qui succèderait à la dictature de M. Saddam Hussein relève plus du rêve - ou de la propagande - que de la réalité (lire les documents de la cinquième partie, L'Irak, un pouvoir à abattre).

L'on peut aussi s'interroger sur les retombées d'un nouveau conflit sur le Proche-Orient et notamment sur l'affrontement israélo-palestinien (lire les documents de la sixième partie, Une guerre au coeur du Proche-Orient).

Cahier réalisé par Alain Gresh, Maria Ierardi, Olivier Pironet et Philippe Rivière